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PRURIT

Introduction

Le prurit (ou démangeaisons) est une sensation déplaisante de la peau (ou des muqueuses) qui provoque le désir de se gratter. Il peut n’intéresser qu’une surface limitée de la peau ou être généralisé.

Un nombre important d’affections dermatologiques ou systémiques et de médicaments peuvent entraîner un prurit. Il peut également être d’origine neuropathique ou psychiatrique. La prévalence augmente avec l’âge et son origine est parfois multifactorielle. Il est souvent plus intense la nuit et se majore avec la déshydratation, la chaleur et l’anxiété. Un cercle vicieux « prurit-grattage-prurit » peut rapidement s’installer.

Le prurit n’est pas le symptôme le plus commun rapporté en soins palliatifs (environ 5% des patients) mais il peut entraîner de l’inconfort et de la frustration, perturber le sommeil et engendrer de l’anxiété ou parfois même une dépression. La peau prurigineuse est généralement sèche et les lésions de grattage peuvent provoquer des infections, une lichénification, etc.

La physiopathologie du prurit est complexe, mais il est important d’en tenir compte car elle oriente le choix thérapeutique. A titre d’exemple, l’utilisation d’un antihistaminique est intéressante dans un prurit provoqué par une libération d’histamine, mais est peu utile dans un prurit impliquant d’autres médiateurs comme la sérotonine, la substance P ou les opioïdes.

Évaluation

L’objectif de l’évaluation est d’identifier la (les) cause(s) du prurit ainsi que ses répercussions sur la qualité de vie.

Il convient de/d’ :

• faire une anamnèse pour déterminer la localisation et l’étendue du prurit, le moment où le symptôme s’est déclaré et son évolution dans le temps ;

• interroger le patient quant aux retentissements du prurit sur son sommeil, son humeur et sa qualité de vie ;

• repérer les médicaments administrés pouvant provoquer un prurit : opioïdes (en particulier la morphine), inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IECA), statines, traitements anti-tumoraux (se référer aux notices des produits), etc. ;

• réaliser un examen clinique général associé à un examen attentif de la peau, à la recherche de la cause du prurit ; repérer les signes évoquant une affection cutanée spécifique (dermatite atopique, dermatite de contact, psoriasis, candidose, herpès, parasitose, etc.) et en cas de doute concernant l’étiologie de l’affection cutanée, envisager un avis dermatologique ;

• compléter l’anamnèse et l’examen clinique par une biologie sanguine (formule sanguine, éosinophilie, ferritine, urée, créatinine, CRP, ionogramme tests hépatiques, tests thyroïdiens, glycémie, etc) et par d’autres investigations s’il y a un bénéfice complémentaire pour le patient (p.ex. tests allergiques).

Boîte à outils

 Étiologies d’origine
systémique du prurit
   en soins palliatifs

Démarche thérapeutique

Principes de base

• Axer si possible le traitement sur la cause identifiée (p. ex. éviction de l’allergène connu ou supposé et des produits responsables, prothèse biliaire en cas d’obstacle sur les voies biliaires, etc.).

• Revoir la médication pour exclure une cause médicamenteuse.

• Éviter les substances connues pour causer un prurit.

• Hydrater la peau en appliquant régulièrement et à volonté un émollient.

• Recourir à un traitement systémique si les soins locaux ne calment pas suffisamment le prurit.

• Envisager l’administration d’un antihistaminique sédatif au coucher (p. ex. hydroxyzine 25 mg), particulièrement en cas d’insomnie liée à un prurit nocturne, afin d’améliorer le sommeil et d’éviter le grattage nocturne.

Mesures non pharmacologiques

• Garder les ongles courts et propres pour éviter les lésions de grattage et les surinfections.

• Éviter les bains chauds et prolongés. Préférer une eau tiède.

• Ajouter un émollient à l’eau du bain.

• Sécher la peau en tamponnant avec un linge doux, plutôt qu’en frottant.

• Appliquer systématiquement un émollient après le bain ou la douche et répéter les applications.

• Éviter le savon, les produits parfumés et ceux à base de lanoline.

• Porter des vêtements amples, de préférence en coton. Éviter les matières irritantes comme la laine.

• Maintenir un environnement frais et humidifier le lieu de vie.

• Limiter l’usage de la caféine, de l’alcool et des épices, en raison de leur effet histaminolibérateur à l’origine d’une vasodilatation.

• Envisager le recours à des techniques de réduction du stress en cas d’anxiété.

• Envisager la photothérapie UVB en cas de prurit réfractaire.

Mesures pharmacologiques
AGENTS TOPIQUES

• Appliquer un émollient ou un émollient mentholé à 1-2 % pour procurer une sensation de fraicheur.

• Limiter l’usage d’antihistaminiques topiques en raison du risque de dermatite de contact.

• Si inflammation localisée non infectée, appliquer localement un corticostéroïde (de puissance faible à modérée).

• Si prurit localisé et très gênant, appliquer un patch de lidocaïne et évaluer le bénéfice après quelques jours.

Médicaments par voie systémique

Le traitement est plus efficace s’il cible le mécanisme physiopathologique impliqué.

Il est préconisé d’utiliser une approche par paliers (médicaments de première, deuxième et troisième lignes) en se basant sur la sévérité du prurit et la réponse aux traitements initiaux.

Les guidelines fournissent des options thérapeutiques pour les étiologies systémiques les plus courantes. Cela dit, les études de bonne qualité méthodologique sont rares et il faudra souvent procéder à des essais thérapeutiques.

Prurit sur cholestase

Prurit intense, débutant souvent au niveau des extrémités et des points de pression, souvent majoré la nuit.

Concerne 20 à 25 % des patients ictériques et plus de 80 % des patients souffrant d’une cirrhose biliaire primitive.

En cas d’obstacle tumoral sur la voie biliaire principale, l’indication de prothèse biliaire doit être évaluée (intervention palliative susceptible d’apporter un grand bénéfice symptomatique).

Première ligne

Colestyramine : 4 g jusqu’à 4 x/jour po

• Effets indésirables fréquents : nausées, ballonnements, etc.

• Inefficace si obstruction biliaire complète

• Pas de corrélation entre le taux d’acides biliaires et l’intensité du prurit

Deuxième ligne

Rifampicine : 150 à 300 mg 2 x/jour po

Troisième ligne

Sertraline : 50 à 100 mg/jour po

Quatrième ligne

Naltrexone : 25 à 50 mg/jour po (risque de sevrage, à éviter chez les patients traités par opioïdes)

PRURIT SUR urémie

Prurit généralisé ou localisé au niveau du dos et des avant-bras, paroxystique ou continu

Concerne les patients en insuffisance rénale chronique, dialysés ou pas

Première ligne

Gabapentine : 100 mg/jour po (après la séance de dialyse). La posologie peut être augmentée progressivement jusqu’à 300 mg

ou

Prégabaline : 25 mg/jour po (après la séance de dialyse). La posologie peut être augmentée progressivement jusqu’à 75 mg.

Deuxième ligne

Mirtazapine : 7,5 à 30 mg au coucher po

Troisième ligne

Naltrexone : 25 à 50 mg/jour po (risque de sevrage, à éviter chez les patients traités par opioïdes)

Prurit induit par un opioïde

Prurit généralisé

Concerne 1 % des patients prenant un morphinique par voie systémique et de 10 à 90 % des patients traités par voie péridurale ou intrathécale

Première ligne

Hydroxyzine : 25 à 50 mg au coucher po

Deuxième ligne

Changer d’opioïde

Troisième ligne

Ondansétron : 8 mg 2 x/jour po, sc ou iv

PRURIT SECONDAIRE À UN TROUBLE HÉMATOLOGIQUE

Prurit généralisé

Concerne 50 % des patients atteints d’une polyglobulie de Vaquez et 30 % des patients souffrant d’un lymphome de Hodgkin

Première ligne

Si lymphome : Méthylprednisolone : 8 à 16 mg 1 à 2 x/jour po ou iv

Si polyglobulie : Cimétidine : 400 mg 2 x/jour po

Deuxième ligne

Mirtazapine : 7,5 à 30 mg au coucher po

Prurit paranéoplasique sur tumeur solide

Prurit qui peut être localisé au niveau génital (cancer prostate et col), au niveau anal (cancer colon), au niveau nasal (tumeur cérébrale), etc.

Première ligne

Paroxétine : 5 à 20 mg/jour po

Deuxième ligne

Mirtazapine : 7,5 à 30 mg au coucher po

PRURIT D’ORIGINE ALLERGIQUE

Urticaire, dermatite atopique, dermatite de contact

Première ligne

Antihistaminique

Deuxième ligne

Corticoïdes

PRURIT NEUROPATHIQUE

Douleur post-zostérienne, sclérose en plaque, AVC, etc.

Première ligne

Gabapentine : débuter avec 100 à 300 mg/jour po. La posologie doit être titrée progressivement en fonction de l’intensité du symptôme et de la tolérance, jusqu’à 600 à 800 mg 3 x/jour po

ou

Prégabaline : débuter avec 25 à 75 mg/jour po. La posologie doit être titrée progressivement en fonction de l’intensité du symptôme et de la tolérance, jusqu’à maximum 300 mg 2 x/jour po

Deuxième ligne

Lidocaïne en patch (si la douleur est localisée)

Troisième ligne

Capsaïcine en application locale (si la douleur est localisée)

PRURIT D’ORIGINE INCONNUE

Dans certains cas, une étiologie précise du prurit ne peut être retrouvée

Première ligne

Hydroxyzine : 25 à 50 mg au coucher po

Deuxième ligne

Paroxétine : 5 à 20 mg/jour po

Troisème ligne

Mirtazapine : 7,5 à 30 mg au coucher po

Références

 

Littérature

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2017-11-15
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