DIABÈTE
Le diabète sucré est une affection métabolique caractérisée par une hyperglycémie chronique liée à une déficience, soit dans la sécrétion d’insuline, soit dans l’action de l’insuline, soit dans les deux.
On distingue plusieurs formes de diabète :
• Le diabète de type 1, causé par la destruction des cellules bêta du pancréas, débutant le plus souvent chez les enfants ou les jeunes adultes et représentant environ 5 % des cas de diabète.
• Le diabète de type 2, caractérisé par une résistance à l’insuline et une carence relative de la sécrétion d’insuline (les 2 caractéristiques pouvant dominer à un degré variable), survenant essentiellement chez l’adulte et représentant plus de 90 % des cas de diabète.
• D’autres formes de diabète, comme le diabète cortico-induit, le diabète secondaire à une maladie pancréatique ou à une pancréatectomie, etc.
En Belgique, plus de 6 % de la population est traitée pour un diabète et ce chiffre atteint 17 % chez les personnes âgées de 65 ans et plus.
La gestion du diabète constitue un enjeu majeur pour les équipes soignantes travaillant en soins palliatifs, tant par la fréquence de l’affection et de ses complications que par l’approche thérapeutique spécifique que cette maladie demande en fin de vie. De façon générale, on tentera de prévenir les symptômes secondaires aux hypo- et aux hyperglycémies tout en veillant à alléger le traitement et sa surveillance. On cherchera à éviter les complications métaboliques aiguës (décompensation acidocétosique ou hyperosmolaire), mais on ne s’attellera plus à prévenir les complications chroniques microvasculaires (rétinopathie, néphropathie, neuropathie) ou macrovasculaires (cardiopathie ischémique, maladie vasculaire cérébrale, artériopathie périphérique).
Quelques recommandations spécifiques à la gestion du diabète en soins palliatifs ont été publiées. Elles n’ont malheureusement qu’un faible niveau de preuve, sont fondées sur l’avis d’experts et ne sont pas toujours consensuelles
Évaluation
En soins palliatifs, les patients traités par antidiabétique oral (ADO) ou par insuline doivent continuer à être surveillés afin d’éviter des hypo- et des hyperglycémies génératrices d’inconfort. Cette surveillance repose sur l’anamnèse, l’examen clinique et le contrôle de la glycémie. Elle sera adaptée au pronostic vital de chaque patient.
Anamnèse et examen clinique
• Rechercher les symptômes et signes évocateurs d’une hypoglycémie.
– Penser à une hypoglycémie en présence de transpirations, tremblements, palpitations, anxiété, troubles de la concentration et de l’humeur, mais aussi parfois uniquement en présence de vertiges ou d’un délirium.
– Se montrer particulièrement attentif à l’égard des patients traités par un sulfamidé hypoglycémiant ou par insuline, en cas d’insuffisance rénale, s’il y a eu une perte de poids significative et lorsque les apports alimentaires sont réduits et/ou irréguliers.
– Avoir en mémoire qu’une hypoglycémie peut être difficile à repérer cliniquement chez les patients les plus fragiles et chez ceux qui présentent des troubles cognitifs ou une altération de l’état de conscience.
• Rechercher les symptômes et signes évocateurs d’une hyperglycémie.
– Penser à une hyperglycémie en présence de soif, polydipsie, polyurie, fatigue intense, agitation, irritabilité, délirium.
– Se montrer particulièrement attentif à l’égard des patients traités par un corticoïde, par une nutrition entérale ou parentérale.
Contrôle de la glycémie
À ce jour, en l’absence de directives fondées sur des preuves et de recommandations consensuelles, il parait raisonnable d’/de :
• Axer la surveillance sur les glycémies capillaires ou sanguines et ne pas accorder d’importance au dosage de l’hémoglobine glyquée.
• Assouplir les valeurs cibles, en cherchant surtout à limiter le risque d’hypoglycémie et à ne pas entrainer d’hyperglycémie symptomatique.
– Viser, par exemple, une glycémie à jeun entre 150 mg/dl (voire 180 mg/dl) et 300 mg/dl (voire 350 mg/dl).
– Abaisser la limite supérieure chez les patients symptomatiques.
• Ne pas hésiter à contrôler la glycémie en présence de symptômes qui pourraient évoquer une hypo- ou une hyperglycémie.
• Réduire le nombre de contrôles systématiques.
– Interrompre les contrôles chez les patients qui ne reçoivent plus aucun traitement pour leur diabète.
– Limiter le nombre de contrôles à 2 par semaine chez les patients traités par ADO.
– Contrôler la glycémie avant chaque injection d’insuline.
À titre d’exemple, chez les patients qui ne s’alimentent (quasiment) plus, faire un contrôle 1 fois par jour s’ils sont traités par 1 injection d’insuline lente ou 2 fois par jour s’ils sont traités par 2 injections d’insuline semi-lente par jour.
• Surveiller de façon plus stricte les patients sous glucocorticoïdes, en particulier lorsque le traitement vient d’être initié ou la posologie augmentée.
Démarche thérapeutique
• Revoir les objectifs thérapeutiques en se focalisant sur le confort et la qualité de vie.
– Réduire au maximum les risques d’hypoglycémie et d’hyperglycémie symptomatiques.
– Éviter une décompensation hyperglycémique aiguë, en se rappelant que contrairement à l’acidocétose diabétique qui peut apparaitre en quelques heures, le syndrome d’hyperglycémie hyperosmolaire s’installe sur plusieurs jours voire semaines.
– Limiter les inconvénients et alléger les contraintes liées au traitement et à sa surveillance.
• Personnaliser et réévaluer régulièrement le traitement, en l’adaptant entre autres au pronostic vital du patient.
En phase agonique, durant les dernières heures de vie, penser à suspendre les contrôles glycémiques, l’administration d’insuline ou la correction d’une éventuelle hypoglycémie.
• Garantir une collaboration et veiller à une bonne communication entre le médecin traitant, le diabétologue et les autres soignants.
Informer le patient et l’entourage des modifications apportées au traitement du diabète et à sa surveillance
• Rappeler l’objectif poursuivi.
• Expliquer les raisons pour lesquelles le traitement et la surveillance sont allégés.
• Identifier les craintes et les attentes du patient et des proches.
Rassurer ceux qui perçoivent l’allègement du traitement comme un abandon ou un désintérêt de la part de l’équipe soignante.
Respecter le choix de ceux qui se sentent rassurés par des contrôles répétés ou plus stricts.
Assouplir le régime alimentaire
• Ne pas imposer de restriction alimentaire.
• S’adapter aux goûts et aux envies du patient.
• Encourager la prise régulière et répétée d’aliments en petites quantités (lait, crème, glace, soupe, etc.) plutôt que la prise d’un repas par jour.
Avec un pronostic vital de quelques semaines
• Arrêter la metformine qu’elle soit prescrite en mono-, bi- ou trithérapie, en raison du risque d’acidose lactique (particulièrement présent en cas d’hypovolémie, de sepsis, d’insuffisance cardiaque ou respiratoire, d’insuffisance hépatique ou rénale sévère).
• Arrêter les glitazones, gliptines, glifozines (inhibiteurs du SGLT-2) et analogues du GLP-1 lorsqu’ils sont administrés dans le cadre d’une bi- ou trithérapie.
• Arrêter les ADO lorsqu’ils sont associés à de l’insuline.
• Préférer les sulfamidés hypoglycémiants à courte durée d’action (gliclazide à libération normale, glipizide, gliquidone) aux sulfamidés à longue durée d’action (glibenclamide, gliclazide à libération modifiée, glimépiride) en raison du risque d’hypoglycémie.
• Réduire de 50 % la posologie des sulfamidés hypoglycémiants et du répaglinide chez les patients qui ont perdu du poids ou qui mangent moins et qui ont une glycémie à jeun < 150 mg/dl (voire < 180 mg/dl). Ne pas administrer la dose de répaglinide si le patient ne prend pas son repas.
Avec un pronostic vital de quelques jours
• Arrêter les ADO et les injections d’analogues du GLP-1.
À ce jour, en l’absence de directives fondées sur des preuves et de recommandations consensuelles, il parait raisonnable d’/de :
Avec un pronostic vital de quelques semaines
• Passer, si possible, à un schéma avec une seule dose d’insuline lente (ex. gliargine) par jour.
– Lors du passage d’un schéma à 2 injections d’insuline mixte par jour à un schéma à 1 injection d’insuline lente par jour : réduire la posologie de 25 %.
• Réduire la dose d’insuline chez les patients qui ne mangent quasiment plus et dont la glycémie à jeun est < 150 mg/ dl.
• Recourir à une injection supplémentaire d’insuline rapide en cas d’hyperglycémie.
• Chez les patients présentant une hyperglycémie symptomatique ou chez ceux qui sont asymptomatiques avec une glycémie > 350 mg/dl, administrer une insuline rapide, par exemple 4 UI entre 250 et 300 mg/dl ; 5 UI entre 300 et 350 mg/dl ; 6 UI entre 350 et 400 mg/dl ; 7 UI entre 400 et 450 mg/dl ; 8 UI > 450 mg/dl avec un contrôle 2 heures après.
Personnaliser le schéma en tenant compte des différences de sensibilité à l’insuline et de l’augmentation éventuelle des besoins en cas d’obésité.
• Si le nombre d’injections d’insuline rapide dépasse 2 par jour, augmenter la dose d’insuline lente en y ajoutant 50 à 75 % de la dose d’insuline rapide utilisée.
• Éviter de recourir à un schéma axé uniquement sur des doses d’insuline rapide, en raison d’un risque important d’hypoglycémie.
Avec un pronostic vital de quelques jours
• Arrêter l’insuline chez les patients dont les besoins sont faibles (< 15 UI/jour).
Vérifier la glycémie une fois par jour, par exemple le matin à jeun ; si la glycémie est > 350 mg/dl (voire 400 mg/dl) : administrer 6 UI d’insuline rapide, contrôler 2 heures après et adapter le traitement en conséquence.
• Poursuivre l’insuline chez les patients dont les besoins sont importants (> 15 UI/jour) ou s’ils ont des antécédents de décompensation hyperglycémique hyperosmolaire.
Avec un pronostic vital de quelques semaines
• Couvrir les besoins de base (≅ 50 % de la dose totale quotidienne) avec, si possible, une insuline lente administrée 1 fois par jour ou semi-lente 2 fois par jour.
• Réduire la dose d’insuline rapide ou ultrarapide administrée 3 fois par jour pour contrôler les besoins postprandiaux (≅ 50 % de la dose totale quotidienne), en assouplissant les valeurs glycémiques tolérées.
• Recourir à une injection supplémentaire d’insuline rapide en cas d’hyperglycémie.
– Chez les patients présentant une hyperglycémie symptomatique ou chez ceux qui sont asymptomatiques avec une glycémie > 300 mg/dl, administrer une insuline rapide, par exemple 4 UI entre 250 et 300 mg/dl ; 5 UI entre 300 et 350 mg/dl ; 6 UI entre 350 et 400 mg/dl ; 7 UI entre 400 et 450 mg/dl ; 8 UI > 450 mg/dl avec contrôle 2 heures après.
Personnaliser le schéma en tenant compte des différences de sensibilité à l’insuline et de l’augmentation éventuelle des besoins en cas d’obésité.
– Si le nombre d’injections d’insuline rapide dépasse 2 par jour, augmenter les doses d’insuline lente ou semi-lente en y ajoutant 50 à 75 % de la dose d’insuline rapide utilisée.
– Éviter de recourir à un schéma axé uniquement sur des doses d’insuline rapide, en raison d’un risque important d’hypoglycémie.
• Prendre l’avis du diabétologue pour les patients porteurs d’une pompe à insuline.
Avec un pronostic vital de quelques jours
• Poursuivre l’administration d’insuline lente ou semi-lente en raison du risque d’acidocétose, et en adaptant la dose.
– Réduire la dose de 10 à 20 % lorsque la glycémie à jeun < 150 mg/dl.
– Augmenter la dose de 10 à 20 % lorsque la glycémie à jeun > 350 mg/ dl.
• Si le pronostic vital dépasse plusieurs semaines, envisager l’administration d’un sulfamidé hypoglycémiant (ex. gliclazide).
• Adapter le schéma au profil glycémique induit par le glucocorticoïde.
Pour un schéma à base d’insuline :
– Couvrir les besoins de base avec une injection matinale d’une :
– insuline semi-lente en cas d’administration d’une dose de méthylprednisolone le matin (qui aura un effet hyperglycémiant dans l’après-midi).
– insuline lente (gliargine) en cas d’administration de plusieurs doses de méthylprednisolone ou d’une dose de dexaméthasone (qui auront un effet hyperglycémiant plus prolongé).
Entamer le traitement avec 0,15 à 0,2 U/kg/jour.
Ajuster la dose en fonction de la glycémie (en général par palier de 10 à 20 %).
– Recourir à des injections supplémentaires d’insuline ultrarapide au moment des repas (0,05 à 0,1 U/kg, à adapter).
Pour un patient avec une glycémie < 50 mg/dl ou symptomatique avec une glycémie < 60 mg/dl
Conscient et capable d’avaler
• Faire prendre au patient 150 ml de soda sucré ou 4 morceaux de sucre, 2 cuillères à soupe de confiture (resucrage rapide avec ≅ 15 gr de glucides)
• Contrôler la glycémie après 15 minutes
– Si la glycémie reste < 70 mg/dl : répéter le resucrage rapide.
– Si la glycémie est > 70 mg/dl : poursuivre le resucrage avec des sucres lents (par exemple une banane, un verre de lait, une compote, 2 biscuits, une tranche de pain), suivis d’un repas dans les 2 heures suivantes.
Inconscient ou incapable d’avaler
(pour autant que le patient ne soit pas durant ses dernières heures de vie)
• S’il existe un accès intraveineux, administrer soit 50 ml de glucose 30 % (3 gr/10 ml) ou 75 ml de glucose 20 % (2 gr/10 ml) en iv lent (resucrage rapide avec ≅ 15 gr de glucides).
• S’il n’y a pas d’accès intraveineux et que le patient a une fonction hépatique normale : remplacer l’administration de glucose par une injection intramusculaire de 1 ml de Glucagon (1 mg/ml).
• Évaluer l’état de conscience du patient après 10 minutes.
– Si le patient est éveillé : appliquer le schéma de resucrage oral.
– Si le patient reste inconscient : envisager, en fonction du projet de soins, des investigations complémentaires ou un accompagnement de fin de vie.
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